Naissance d’un Royaume
Les disciples du prophète Mahomet s’étaient emparés de l’Afrique du Nord en quelques années, dès la fin du VIIème siècle. Mais les tribus berbères des montagnes n’avaient eu de cesse de se révolter contre les envahisseurs arabes. Une demi-douzaine de royaumes se partageaient le territoire, avec des souverains musulmans de confession sunnite ou chiite. Mais dans la population, les minorités chrétiennes et juives demeuraient encore très importantes. Les communautés israélites étaient nombreuses en particulier sur les routes commerciales du sud, où de nombreux Juifs de la diaspora s’étaient installés et avaient converti leurs voisins berbères.
Fuyant les combats entre factions musulmanes, un prince arabe (on dit aussi chérif) né à la Mecque, se réfugie dans le Moyen Atlas. Il s’appelle Idriss et n’est autre qu’un des petits-fils d’Ali, le compagnon de Mahomet et de Fatima, la fille de Mahomet.
Idriss est accueilli par la tribu berbère des Aouraba, qui vit autour de Volubilis, une ville créée par les Romains au coeur de la Maurétanie Tingitane, sur de riches plateaux céréaliers, près de l’actuelle Meknès.
Reconnu comme roi, le nouveau venu rejette l’autorité du calife abbasside de Bagdad. Il épouse la fille du chef des Aouraba et prend le nom d’Idriss Ier.
Après trois ans de règne, il est assassiné par un agent du calife de Bagdad, Haroun al-Rachid. Mais sa femme étant enceinte, elle donne le jour à un fils qui règnera plus tard sous le nom d’Idriss II.
Idriss II unifie le nord du Maroc autour de sa dynastie, les Idrissides. Il quitte Volubilis et transfère sa capitale à soixante kilomètres de là, à Fès, dans la magnifique plaine du Saïs, au pied du Moyen Atlas.
La ville devient ainsi le premier foyer de la culture marocaine et sa capitale.
Le royaume va vivre dans une farouche indépendance, non sans développer des relations étroites et parfois violentes avec l’émirat arabe de Cordoue et, plus tard, avec les monarchies catholiques d’Espagne, comme avec la Turquie.
Adossé aux premiers versants du massif du Zehroun, au-dessus de la plaine fertile de Meknès, le village de Moulay Idriss entoure de ses maisons blanches la tombe et le superbe mausolée d’Idriss I, devenu un haut lieu de pèlerinage pour les marocains qui ne peuvent se payer le voyage à la Mecque.
Fès El Bali
Idris Ier (743-791) est principalement reconnu pour avoir été à l’origine de la fondation de la ville de Fès, à la fin du du VIIIème siècle, dans la zone de l’actuel quartier des Andalous. Après son assassinat par les Abbassides, ce ne fût pas la fin de sa lignée.
Son fils, Idris II (791-828), reprit le flambeau et acheva la fondation de Fès, divisée en deux noyaux sur les rives opposées de l’oued Fès. Elle ne sera unifiée que près de trois siècles plus tard, par les Almoravides.
Surnommée la Florence de l’Afrique, premier site du Maroc classé au patrimoine mondial de l’humanité (1981), c’est la ville mère du royaume et l’une des plus prestigieuses cités de l’islam. Elle a gardé ses structures médiévales et ses hautes murailles percées de trous pour permettre à l’humidité de s’évacuer lors des pluies importantes.
Le cœur historique de la ville, achevé par les Idrissides au IXème siècle, est subdivisé en quartier des Andalous à l’Est et quartier des kerwanais à l’ouest, tous deux réunis derrière une même enceinte au XIème siècle, par le sultan almoravide Youssef Ben Tachfine. C’est aujourd’hui un océan de toits, de coupoles, et de minarets. Elle renferme quelques-uns des plus beaux édifices du Maroc dont les deux monuments édifiés au IXème siècle, que sont la mosquée des Andalous et la mosquée Quaraouine.
La vieille ville est entièrement piétonnière. Elle comprend environ 10.000 rues, en général très étroites, qui sont, pour des raisons pratiques, sans voitures et parfois même sans motos du fait des escaliers assez fréquents. La pratique du vélo y est peu aisée pour les mêmes raisons. Les ânes et les chevaux prennent donc le relai, comme à l’époque de sa fondation…
La « Médina » est un labyrinthe de près de mille impasses et sans conteste, la plus vaste, la plus ancienne et la plus authentique des Médinas du Maroc et de l’Afrique du nord. Bagdad et Damas étant partiellement détruites, Fès reste la seule des grandes villes mythiques du monde Arabe, restée quasiment intacte depuis 12 siècles.
Dès le XIIIe siècle, on n’y dénombrait pas moins de 120.000 maisons et 176 mosquées dont la célèbre Quaraouine qui fait de Fès el-Bali une capitale spirituelle, intellectuelle et culturelle vers laquelle affluent commerçants et soldats, voyageurs et Pèlerin, savants et mystiques exilés et réfugiés.
Fès la Quaraouine.
Au cœur du tissu urbain très compact de Fès el-Bali, la mosquée de la Quaraouine est aussi la plus ancienne université du monde.
Fait marquant, c’est à une femme Kairouanaise exilée à Fès, à qui revient en 859, l’édification de la mosquée.
Financée par les fonds personnels de Fatima El Fihria, ce n’est alors qu’une construction modeste. Mais au 12ème siècle, le sultan Almoravides Ali Ben Youssef quadruple la superficie et au 14ème siècle, les Mérinides l’agrandissent encore, l’embellissent, mais surtout la dotent d’une bibliothèque que les Saadiens réaménagent au 16ème siècle et à laquelle chaque souverain fera don de manuscrits anciens.
Toutes les sciences y sont enseignées : droit musulman, exégèse coranique, grammaire, mathématiques, astronomie… Les étudiants y affluent du monde entier. Y sont formés le philosophe Averroès (1126-1198), le poète mystique Iben Arabi (1165-1240), le sociologue Iben Khaldoun (1332-1406), le géographe Hassan El Ouazzani dit « Léon l’Africain » (1494-1527) et même le premier pape français, Sylvestre II (938-1003).
Aujourd’hui encore, la Quaraouine dispense un enseignement coranique et sa bibliothèque conserve des milliers de manuscrits anciens.
Elle peut accueillir jusqu’à 20.000 fidèles. 14 portes permettent d’accéder au bâtiment. La cour de la mosquée, tapissée de 50.000 zelliges, comporte deux pavillons-fontaine d’époque Saadienne (1554-1659), semblables à ceux de la cour des Lions de l’Alhambra de Grenade et, signe de prestige, les toits à double bâtière sont entièrement couverts de tuiles vertes qu’on appelle en arabe « qermoud ».
Fès le quartier Tijani.
On dénombre à Fès pas moins de 9000 rues qui composent d’innombrables micro-quartiers. Le quartier Tijani, autrefois dénommé « Dardas » puis « Blida », doit son nom à l’importante zaouïa (centre de confréries religieuses) que fonda le Cheikh soufi Sidi Ahmed Tijani à la fin du XVIIIe siècle.
On dit qu’en ces lieux, les oreilles pieuses entendent la voix divine…
Quantité de pèlerins y affluent chaque année, en provenance du Maghreb ou surtout d’Afrique noire où la voie spirituelle de la Tijaniya, s’est largement répandue.
Fès la médersa Bou Inania.
La prestigieuse université de la Quaraouine nécessitait de loger des étudiants étrangers par centaines. Sous les Mérinides, Fès devenue un haut lieu de civilisation islamique, est ainsi dotée de 11 médersas (écoles coraniques) qui sont des joyaux de l’art hispano-mauresque.
Édifiée en 1355 dans la rue Talâa al kbira par le grand souverain Abou Inan, la médersa Bou Inania servait de collège, de résidence estudiantine, mais aussi de grande mosquée où un imam dirigeait la prière du vendredi, jour saint de l’islam. La cour centrale, dallée de marbre et d’onyx, est entièrement coffrée de cèdre, de mosaïque de faïence polychrome et de plâtre finement ciselé par les meilleurs artisans de Fès.
Fès la médersa Attarine
Bâtie dans le voisinage de la mosquée Quaraouine, la medersa Attarine, de dimensions plus modestes que la medersa Bou Inania, est construite en 1325 par le sultan mérinide Abou Saïd Othman.
Elle est caractéristique des collèges musulmans médiévaux : patio lambrissé de faïences polychromes au centre duquel trône une vasque en marbre d’Italie ; colonnes d’albâtre coiffées de chapiteaux sculptés et piliers décorés de céramique excisée ; portes, plafonds, arcs et linteaux de cèdre ouvragés, intrados de plâtre ciselé et arcs à stalactites.
Quel que soit leur degré de sophistication, les décors recourent à seulement 3 types de motifs : géométrique, végétal ou épigraphique.
Le motif géométrique ne tolère aucune fantaisie. Basé sur la répétition et la symétrie, il joue uniquement sur les jeux d’échèles, avec une préférence pour la miniaturisation. C’est un art de la combinaison. Les unités curvilignes donnent naissance aux arabesques, les unités rectilignes aux Polygones étoilés et aux rosaces tournantes. Les structures en damier sont exécutées sur les mosaïques et les briques. Les testir (entrelacs géométriques irradiant autour d’une étoile centrale) et les mouqarnas (nids d’abeille décorant l’intrados des arcs) sont sculptés dans la pierre, le bois ou le plâtre.
Le décor végétal (floral), hérité de la tradition arabo-andalouse, est également très répandu, quoique toujours subordonné au décor géométrique dans lequel il s’insère. L’un des principaux motifs est le touriq, ornement de caractère végétal, composé d’entrelacs floraux, rinceaux ou palmettes.
Enfin, le décor épigraphique combine aux caractères cursifs, qui sont les plus fréquents, les caractères coufiques généralement sculptés dans la pierre.
Le mausolée d’Idriss II
Le mausolée d’Idriss II, qui achève l’édification de Fès en 809, est construit sous le règne de Moulay Ismaïl au début du 18ème siècle, puis restauré au milieu du siècle suivant. Toutes les ruelles qui mènent au sanctuaire sont barrées de solive en bois qui en marquent les lisières sacrées et en proscrit le franchissement par les bêtes de somme.
C’est le lieu saint le plus vénéré des habitants de Fès mais aussi de ceux des contrées plus lointaines, qui viennent y quérir la baraka, la bénédiction de Dieu. Chaque année, à l’occasion de la fête du saint patron moussem, le catafalque qui recouvre le tombeau est renouvelé et les différentes corporations artisanales défilent à travers la médina.
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